Nous regroupons dans ce billet les threads sur le texte réalisés par notre présidente sur X/twitter (@melaniejaoul) et Bluesky.
Nous vous proposons une première lecture du rapport du HCE intitulé « Pornocriminalité – Mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique ». Ce fil risque d’être un peu long mais je crois essentiel de débunker.
Commençons la première de couverture :
- Le titre assimile donc tout contenu pornographique à de la criminalité. Le rapport instrumentalisant des faits divers pour lesquels les actrices ont dû se battre pour les faire entendre, il vise à criminaliser TOUT le porno.
- La citation de Wittig fixe clairement le positionnement retenu par les auteurices du rapport. Le HCE opte pour une position abolitionniste claire : le porno est appréhendé comme « une violence faite aux femmes ». Ce positionnement n’est pas le résultat d’un travail mais le vieux cheval de bataille de sa rapportrice Céline Piques (qui est passée par Osez le féminisme, proche de l’amicale du nid et qui prend publiquement position en la matière). Rien n’évoque dans le rapport d’où parlent les auteurices laissant préjuger le lecteur non averti, vu que le rapport émane du HCE, que ces derniers étaient neutres et que ce positionnement est le fruit de l’enquête (et non l’enquête le fruit du résultat).
Avant de commencer, je voudrais souligner un problème de méthode. Le HCE considérant « l’industrie du porno » comme criminelle, il n’a donné la parole à AUCUN.E acteurice porno, ni personne du milieu. Le choix a été fait, non pas d’écouter les victimes de violences et viols, mais d’instrumentaliser leur récit pour généraliser : ce que l’on voit n’est pas qu’1 fiction de violence mais 1 violence réelle. En créant cette confusion, une seule réponse est possible : l’interdiction.
Sur les personnalités interrogées ou ayant participé à la rédaction, il n’y a que des personnes défendant le point de vue soutenu par la rapportrice Piques : beaucoup d’associations abolitionnistes. Aucune des asso d’acteurs et actrices, aucuns concerné.e.s ni devant la caméra alors que ce rapport LES vise. La liste contenue dans le rapport mets en lumière ceux qui ont participé et ci-dessous ceux qui ont été interrogés… et SURPRISE aucune personne concernée ! Parler des conditions de travail des actrices porno sans en croiser une et ne parler qu’aux abolitionnistes et/ou à des responsables des enjeux de traite qui n’ont aucun rapport avec le sujet. Soyons précis : le rapport se réfère à des actrices et ex-actrices porno mais qui ont été auditionnées par le Sénat – quand on sait que ledit rapport a minoré tous les propos des concernées qui n’allait pas dans le sens voulu sous l’égide de… la sénatrice Laurence Rossignol, notoirement abolitionniste. D’ailleurs, le sociologue Voros (chercheur en sociologie et sciences de la communication, spécialisé sur la pornographie et ancien co-président de sa commission stéréotypes du HCE) a démissionné du HCE suite à son éviction systématique des travaux du HCE sur la pornographie (pour lire sa lettre : ici).
Je vous épargne la biblio qui ne cite que des sources abolitionnistes, refusant de citer tous les ouvrages féministes qui ne défendent pas un positionnement anti-porno comme ceux des sociologues et des juristes… Aussi peu de neutralité non assumée est déjà per se un problème.
L’analyse de la pornographie à l’aune de « mots-clés » de vidéos en émettant un jugement de valeur sur les pratiques trouvées lesquelles sont des performances, scénarisées et définies par avances, que les acteurs vont jouer sous la direction d’un réalisateur pose un problème. Tout au long du rapport, il y a une confusion volontaire entre le jeu d’une pratique « violente » et/ou « dégradante » à des visées « masturbatoires » et la réalité de la violence. Refuser la validité des contrats de travail des actrices porno – et donc de facto le bénéfice du droit du travail et des droits sociaux auxquelles elles peuvent déjà prétendre en l’état actuel du droit – ne lutte pas contre les « violences faites aux femmes ». Au contraire, le porno sera alors tourné hors du contrôle de l’État, diffusé sur des sites changeants et les actrices perdront tous droits, toute protection… augmentant les risques de violences. Le résultat si on applique ce rapport sera catastrophique. Assimiler une pratique filmée et scénarisée, laquelle est une performance et relève de l’acting, à la même pratique hors plateau, non consentie est choquant et inexact.
Le rapport recense des pratiques pour lesquelles il fait à chaque fois l’assimilation afin de conclure à la commissions d’infractions pénales et d’atteintes aux droits fondamentaux… qui ne sont pas constatées. Ainsi, ils invoquent que les scènes « uro » comme dégradantes et attentatoires à la dignité humaine, c’est méconnaitre le principe d’autonomie personnelle reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme. Des confusions entre scènes de viol et qualification de viol sont maintenues avec mauvaise foi (par ex, l’hashtag « pénétration surprise » que les auteurs qualifient de viol n’est que le jeu du scénario « masturbatoire » comme la plupart des mots clés…). Si les actes sexuels filmés sont effectivement réalisés – ils ne sont pas « réels » en ce qu’ils répondent à un scénario que les acteurices porno respectent sous la direction d’1 réalisateur, en présence d’une équipe de tournage selon les modalités classiques de n’importe quel film.
Bon déjà, dès le premier paragraphe sur l’étymologie j’aurais à redire mais je vous épargne. C’est si caricatural que ça plante le décor. On est saufs : se faire pisser dessus dans un livre de Bataille ou faire violer dans un livre de Sade ça passe. Adapter ces livres au ciné, non.
Sur la définition d’abord. Il est retenu celle du CE – influencée par le rapport Genevois (1979). Par contre, le 2e paragraphe reproduit s’en éloigne et l’approximation commence dès lors. Oui la pornographie montre « des scènes de sexe non simulées » avec une visée « masturbatoire ». Oui, l’acte sexuel (pénétratif ou non d’ailleurs) est « réel »-lement réalisé – sinon on serait dans un film érotique non soumis aux mêmes règles de diffusion (puisque c’est dans ce contexte que le CE se préoccupe de ce qu’est la pornographie). Par contre, NON il n’est pas « réel ». En effet, il présente une scène à visée masturbatoire pensée autour d’un ou plusieurs fantasmes. Un scénario est établi, un contrat passé par les acteurices qui performent la sexualité « essentialisée » et ne vivent pas réellement la scène. Ils jouent la comédie. C’est leur métier.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point plus en détails dans le cœur du rapport puisqu’il y a une confusion entretenue tout au long du rapport entre ce qui est représenté et ce qui est vécu conduisant à retenir des incriminations qui ne tiendraient devant aucun juge…
Petit aparté non juridique. TOUTES LES PERSONNES, TOUTES LES SEXUALITÉS, TOUS LES KINKS du missionnaire romantique au gang bang, hétéro ou homo, & tant d’autres réalités SONT RANGES PAR CATÉGORIE comme… pour toute plateforme de films qui classe en fonction des « styles » du genre. Ici de manière sous-jacente ce qui est jugé est la fantasmagorie : les gens se branlent sur des trucs qu’ils ne voudraient pas, pour la plupart, réaliser en vrai : « uro », « scato », « BDSM », « gang bang », fétichismes divers. Parmi les consommateurs, il y a toutes les catégories socio-professionnelles, genres… Fantasmer sur un contenu réalisé par des professionnel.le.s, qui en ont définit les modalités, sont payés pour ça et cotisent pour leurs droits, protégés dans leur intégrité… ce n’est pas regarder une personne se faire violer. Ne pas distinguer est insultant pour les victimes.
Le rapport tente de désamorcer les critiques. Sauf que l’on peut être féministe et être acteurices porno. Le principe de l’autonomie personnelle doit permettre de réaliser une sexualité même contre de l’argent – devant ou hors caméra. Il y a un mélange des genres. Quid quand c’est l’homme qui est dominé ? Des contenus où une femme pratique le « pegging » sur l’homme ? du porno lesbien, gay, queer ? Des sexualités « uro/scato » où les pratiques sont dirigées par celui ou celle qui « reçoit » ? etc… Soyons factuels mais est-ce à dire que le seul porno admissible serait un porno sans femmes ? Ah mais non si c’est queer, on invoque le caractère LGBTphobe du contenu ? Où est le droit là-dedans ? Où est le féminisme ?
Le rapport tente aussi de décrédibiliser les personnes qui pourraient le critiquer :
Si je ne connaissais pas la réalité, je rigolerais. D’un côté des actrices qui se battent seules, sans moyens pour leurs droits VERSUS des associations comme l’amicale du Nid, OLF et des institutions comme le HCE inondés de dotations publiques les accusant d’être un « lobby » proxénète. Des institutions qui peuvent payer des gens afin de vomir des rapports 200 pages expliquant que les TDS sont des victimes, que leur consentement ne peut être pris au sérieux. Des institutions dont certains membres harcèlent lesdites TDS, lesdites actrices au nom du féminisme. LA HONTE.
Nous sommes heureux de découvrir que le sexisme, les violences sexuelles et sexistes mais aussi la société cishétéropatriarcale n’existaient pas avant la pornographie et même peut-être pas avant le film « Gorge profonde » (#çaféréfléchir) :
On est d’accord sur le constat mais pas sur « la solution »:
Un passage est topique du positionnement du rapport :
- On sort du bois : le but est de se payer les putes (filmées ou pas).
- On ne vend pas son corps. On vend une prestation d’artiste-interprète comprenant une scène de sexe non simulé. On repart avec son corps entier sauf à considérer que la pratique sexuelle nous « diminue » ???
- Ce passage sur ce à quoi la pornographie réduirait la sexualité. Presque drôle tant c’est hors sol et que ça ne démontre que les biais de la commission et sa façon de « surfer » sur les sites. Ils ont trouvé ce qu’ils sont venus chercher sans aucune distance intellectuelle.
Les « principales propositions » laissent dubitatif mais au nom de leur lecture, on est sur un texte bien liberticide et casse-gueule. Les dérives possibles sont réelles pas que pour le porno ! Mention spéciale sur le dernier point « nullité ». Notez que toutes les asso pro-droits et les acteurices militent depuis longtemps, bien avant l’existence du HCE, pour la protection contre les violences sexuelles et sexistes, l’accès au porno des mineurs, pour l’éducation à la sexualité à l’école et contre la pédopornographie…
Là c’est festival d’affirmations qui indépendamment les unes des autres sont valables mais dont on tire « la pornographie DOIT DONC s’analyser comme un continuum » sans aucune démonstration, en invoquant l’argument rhétorique d’autorité :
Oui le continuum de violences sexistes dans une société cis-hétéro-patriarcale existent mais tout mettre sur le porno, c’est un peu gros et après les homicides c’est la faute du jeu vidéo, on a un très beau « les féminicides c’est la faute au porno ». Damn ! Un effort !
J’entre dans le vif du sujet : « A/ Des violences physiques et sexuelles systémiques et illégales »… Voyons ce que dit le rapport…
Fichtre ça commence mal ! Faire une étude… sur les 50 films les plus regardés, on est loin de l’échantillon sociologique pertinent. Je renvoie aux éclairantes explications de Florian Vörös qui est très au fait étant sociologue et connaissant le sujet.
On en revient dans ce passage à la confusion sciemment entretenue entre le réel et la représentation. On représente du sexe violent, OK. Les acteurices le jouent. C’est un rôle. Le spectateur sait qu’il regarde des acteurs jouer une représentation irréelle de la sexualité.
Tout le monde SAIT de quoi il est question sauf ceux qui ont rédigés ce rapport. Quand ce que l’on voit n’est pas joué, consenti, défini à l’avance : c’est autre chose. C’est du viol. Il y a des textes, des procédures. Et il semblerait que la Justice entende enfin les victimes.
Je vous épargne le screen des descriptions des pratiques dont on pourrait se demander – si on ne connaissait pas la moraline des auteurices – s’ils n’apprécient pas les pratiques tant il y a 1 soin apporté au détail. Il y a une avalanche de contenus et termes destinés à choquer, à démontrer que le porn est sexiste (oui comme la société). Sauf qu’on en revient toujours au point de départ : une fiction, une performance filmée et contractualisée, qui n’est pas vécue comme elle est présentée ici.
Un exemple : toutes ces pratiques peuvent être consenties. Oui il y a certain.e.s performeur.se.s qui ont des « spécialités » pour lesquelles elles sont entraînées et que des non professionnel.les ne pourraient accomplir : anal (simple, multiple, prolapse – fleur anale), sexe multiples, toutes pratiques « BDSM », « uro » ou « scato ». Ce n’est pas dégradant, c’est un boulot.
C’est juste un jugement sur une pratique qui dégoute les auteurs du rapport qui n’appréhendent pas qu’on puisse s’y adonner librement, encore moins pour de l’argent, devant une caméra. On invisibilise aussi les pers trans (nombreuses) et les hommes ! Pour résumer ma pensée : au lieu de jeter l’anathème sur des pratiques, il faudrait appliquer le droit du travail auquel les acteurices sont de facto déjà soumis (les conditions juridiques sont réunies). Ainsi, l’employeur a une obligation de sécurité de résultat envers iels. Ce faisant : définition des règles d’hygiène, sécurité et santé au travail. Suivi des risques. Prévention, information, formation et suivi par des coordinateurs d’intimité indépendants et formés. Suivi par la médecine du travail et donc exclusion des pratiques dangereuses. Cela permettrait aussi la reconnaissance des accidents du travail, l’accès aux congés maladie, aux congés parentaux etc… Sans compter que ça ouvrirait droit à la formation professionnelle pour permettre les reconversions post porno plus faciles. Faire appliquer le droit du travail, permettre le contrôle des lieux de tournages, encadrer l’information des acteurices sur les scènes (contenu, lieux, partenaires, conditions) pas seulement selon la bonne volonté des producteurs et de leurs chartes éthiques, là est la solution. Par ailleurs, créer un organisme de contrôle qui irait sur les tournages relever s’il existe des violations de la législation, avec des sanctions allant des amendes contre le réalisateur et la maison de production à l’arrêt du droit de tourner… ça, ça serait efficace !
Autre biais du rapport : entretenir la confusion entre différents types de contenus diffusés sur les plateformes mais qui n’ont aucun rapport. Je vais détailler mais ils mettent au même plan porno et « revenge porn », pédopornographie, viols/agressions filmées et même « snuff movies »… Cette confusion qui a l’air anodine est faite sciemment afin de pousser le lecteur à tout traiter de la même façon i.e interdire car constituant une « violence faite aux femmes » et des délits et crimes relevant du pénal. C’est malhonnête ET faux juridiquement. Ainsi, le rapport vise les vidéos filmées à l’insu de femmes et diffusées sans leur accord. Ce n’est pas du porno. C’est du pénal. C’est une atteinte à la vie privée. L’article 226-1 du code pénal est clair là-dessus.
Ce que l’on appelle du « revenge porn » est puni par les articles 226-2 et suivants du Code pénal. Le fait de diffuser de telles vidéos est pénalement répréhensible. CE N’EST PAS DU PORNO encore une fois. C’est une relation sexuelle intime captée indument et diffusée illégalement. Assimiler ça au porno est faux et ils le savent. Dans ce cas, il faut signaler les contenus à Pharos et aussi à la plateforme de diffusion (après avoir fait un relevé des preuves via captures d’écran) et porter plainte. Les femmes représentées sont des VICTIMES d’une infraction pénale pas des acteurices porno.
Les sites qui diffusent ces vidéos doivent les supprimer et ont normalement le rôle de vérifier que les personnes apparaissant sur les vidéos ont donné leur consentement. A défaut, ils sont dans le cadre d’une exploitation commerciale d’actes illicites sanctionnables. L’article 222-33-3 du Code pénal prévoit que s’ils diffusent des vidéos contenant des infractions pénales, lesdits sites peuvent être incriminés sur le plan pénal (viols, agressions, actes inhumains et dégradants…)
La diffusion de « revenge porn » les expose également à des sanctions pénales telles que prévues à l’article 226-2-1. Ces textes sont évidemment cumulables.
Ensuite, le rapport maintient la confusion avec la pédopornographie qui est le fait de filmer des viols sur mineurs. Il ne saurait y avoir de consentement dans ces vidéos ni de confusion avec la pornographie qui représente des actes sexuels entre majeurs consentants. Le rapport essaie de jouer la confusion en mettant en parallèle ces contenus criminels avec des contenus pornographiques adultes qui jouent effectivement sur une ambiguïté notamment au travers des titres de vidéos, scénarii ou même apparence jeune des acteurices. Sont notamment visés les films avec les étiquettes autour de la jeunesse et de l’inceste (« teens », « jeune fille/garçon », « lycéennes », « belle fille », « belle mère » etc). Ces contenus on peut les réprouver moralement mais si ce sont des adultes qui les jouent, ils sont légaux. Ils le sont d’autant plus que dans les productions « classiques », les acteurices se voient demander leurs papiers, signent des contrats et sont pour certain.e.s connus comme majeur.e.s via leurs plateformes personnelles de leurs communautés de fans…
La pédopornographie recouvre la production, la diffusion, la détention et la consultation de matériel pornographique mettant en scène des MINEURS. Le code pénal pose des sanctions lourdes à l’égard de ces faits gravissimes.
Le « revenge porn » vise aussi les mineurs et sera lourdement poursuivi. Solliciter d’un mineur des images, vidéos ou représentations pornographiques est spécialement incriminé à l’article 227-23-1 du Code pénal.
Les hébergeurs de telles vidéos s’exposent à des poursuites. Aux USA c’est le SISEA (Stop Internet Sexual Exploitation Act) qui s’applique. En France, c’est l’article 6-I-7 de la LCEN qui va sanctionner les hébergeurs et les FAI. En vertu de ce texte, ces derniers ont l’OBLIGATION de mettre en place un dispositif de signalement des contenus illicites et de les signaler sans délai aux autorités dès identification. L’article 227-23 déjà cité punit la cyberpédopornographie.
L’ARCOM (avant 2022, la CNIL) a par ailleurs le pouvoir de bloquer tout site diffusant du contenu pédopornographique depuis la loi du 13 novembre 2014. Mission qu’elle exerce en masse – même si elle aurait besoin de plus de moyens. Ce qui est visé ce sont les contenus impliquant des mineurs et non les contenus adultes qui jouent un scenario dont on peut critiquer les ressorts mais qui n’est pas pénalement incriminé. Les fantasmes ne sont pas punissables. Les pensées les plus coupables soient-elles non plus. D’ailleurs ces vidéos sont parfois tournées sans forcément l’objectif de l’ambiguïté mais que le tube baptise d’une étiquette pour faire du clic. Les acteurices et même les producteurs découvrent les tags parfois a posteriori – et là du point de vue contractuel c’est critiquable.
Enfin, le rapport entretient sciemment la confusion entre films mettant en scène des violences, des viols, des pratiques extrêmes qui sont des films pornographiques ET la captation de réels viols, violences, agressions… et abus sur personnes souvent vulnérables. C’est le cas de ce que l’on voit dans l’affaire « French bukkake » et tant d’autres productions où des personnes mettent en place un processus criminel tendant à violer, torturer, abuser des femmes et des hommes qui n’ont pas consenti à tout ou partie de ce qu’iels vivent. Les acteurices sont nombreuz à dénoncer ces pratiques et pour un certain nombre, fuient les maisons de production qui, on ne peut le dire autrement, filment des viols. Toute pratique sexuelle pénétrative non consentie est un viol pur et simple. Toute pratique sexuelle non pénétrative non consentie est une agression sexuelle. Ces pratiques peuvent, selon les circonstances tomber sous le coup d’une qualification d’actes de torture, d’actes inhumains et dégradants, d’atteinte à la dignité humaine… Je vous renvoie aux textes du Code pénal. Et les diffuseurs qui diffusent de tels contenus sont responsables comme le texte mis plus haut en dispose. Il n’y a rien à opposer pour excuser ces actes qui doivent être retirés et poursuivis au pénal et au civil. Par contre, ces pratiques ne sont qualifiées ainsi que si ce n’est pas consenti. Une actrice performeuse qui pratique le « bukkake », un « gang bang » avec 5, 10, 20, 30 hommes, se fait pisser dessus n’est pas dégradée si elle a défini sa prestation d’actrice dans le contrat et consent. Vous trouvez ça dégradant ? ça vous répugne ? Cela tombe bien : vous n’êtes ni obligé.e de regarder ces pratiques, ni obligé.e de les pratiquer. Les acteurs et actrices (hommes ou femmes, cis ou trans) bénéficient eux aussi de l’autonomie personnelle consacrée par la Cour EDH !
Justement autre écueil du rapport, c’est de dire que le contrat des acteurices porno portant sur des actes de torture, des viols (bref des infractions), ces derniers seraient nuls. Non mais sérieusement, faites un effort bon sang de bonsoir avant d’user d’arguments claqués au sol. A l’heure actuelle, les producteurs laissent le choix aux acteurices entre la signature d’un contrat de travail (CDD d’usage d’artiste interprète audiovisuel) ou d’un contrat de prestation (autoentrepreneur en général) sauf qu’en réalité, c’est le droit du travail qui prévaut ! Comme déjà expliqué, la qualification de contrat de travail n’appartient pas aux parties si les trois conditions sont réunies : un travail, un lien de subordination et une rémunération. Bientôt vous pourrez lire les explications détaillées dans un rapport mais elles sont réunies. Ce faisant, en vertu de l’article L. 7121-3 du Code du travail, les acteurices porno bénéficient de tous les droits rattachés à la relation salariale ici présumées et sont soumis à la convention collective des artistes interprètes audiovisuels. Maitre F.-X. Raducanou rappelle bien dans son ouvrage Droit du travail et Pornographie que la mise en scène est à la base de toute production cinématographique, qu’elle soit classique ou pornographique. Les acteurices sont des artistes de spectacles même avec du « sexe non simulé ». Ayant exclu les actes attentatoires à l’intégrité humaine et démontré que, lorsqu’ils sont consentis, ils relèvent de l’autonomie personnelle, l’objet du contrat n’est pas illicite, ni contraire à l’ordre public, ni contraire aux bonnes mœurs. Le contrat est juridiquement valable et reconnu. Il nous faut mieux protéger les acteurices et garantir l’application du droit du travail mais aussi encadrer le droit à l’image.
En attendant, je me tiens aux côtés des acteurices pour défendre leurs droits et permettre qu’un jour le stigma ne soit qu’un affreux vieux souvenir. Je suis convaincue que la lutte contre les actes délictueux et criminels dénoncés passe par protéger leurs droits !